Penser la conception de formation comme un écosystème

Interview d’Alexis Dresco, responsable pédagogique chez Compani.

Aujourd’hui encore, nombre d’entreprises abordent les problématiques de formation de manière top-down.

Cela parait effectivement logique et pourtant cette approche conduit généralement au niveau « down » de la performance. Les résultats sont peu concluants. Le taux de mémorisation est faible avec un transfert limité sur le lieu de travail.

Si vous faites également ce constat dans votre entreprise, je vous invite à suivre l’entretien que m’a accordé Alexis Dresco, responsable pédagogique chez Compani. Initialement fondé par Alenvi, Compani est spécialisé dans la formation des aides à domicile.

Alexis nous propose un autre regard, une autre approche et nous livre les clés de la mise en place de formations durables et impactantes.

Quelques mots sur la société Alenvi

Alenvi est une entreprise d’aides à domicile. Elle met donc l’humain au centre de sa démarche.

Cette approche du métier se traduit par :

–       Des personnes âgées mieux accompagnées : les aides à domicile prennent vraiment le temps de communiquer et de créer un lien de qualité avec les patients.

–       Des aides à domicile (appelées « Auxiliaires d’envie ») mieux considérées : les professionnel.les s’organisent de manière autonome, par petits groupes, pour faire des plannings adaptés aux patient.es et aux aides à domicile.

Compani a un catalogue de formations hybrides pour soutenir les auxiliaires d’envie d’Alenvi et d’autres acteurs du secteur qui cherchent à reproduire ce modèle original.

Afin d’élaborer une solution de formation, Alexis instaure une démarche qui part du terrain.

 « Celui qui sait, c’est celui qui fait. »

Cette réflexion sous-tend toute la logique pédagogique utilisée pour élaborer des plans de formation efficaces et performants pour les salariés et l’entreprise.

Clef n°1 : Une écoute de tous les acteurs du secteur

Chez Compani, le recueil des besoins est un processus constant et fluide qui permet de se connecter à tous les acteurs impactés :

Recueil des besoins

Bye bye le schéma linéaire et descendant ?

Bonjour un schéma circulaire dans lequel l’équipe dirigeante associe les autres acteurs de l’écosystème à la réflexion du projet de formation.

L’étape du recueil des besoins passe essentiellement par des temps de discussion avec les différents acteurs tout au long de l’année. Des vrais retours du terrain qui enrichissent la réflexion et permettent d’adapter les formations au fur et à mesure.

Alexis, en tant que responsable pédagogique, est « à l’écoute de tous les niveaux ». Il fait le lien entre le point de vue des cadres, des stagiaires et des équipes opérationnelles pour essayer « d’avoir le point de vue le plus complet possible ».

« La hiérarchisation des besoins se fait en intelligence collective en fonction de l’urgence. »

Notre grande peur, c’est de faire une formation hors-sol »

Clef N°2 : la co-construction est permanente.

Chez Compani, la co-création de la formation ne se limite pas à l’étude des besoins. Elle s’inscrit dans l’ensemble du cycle de vie de la formation.

En effet, le modèle d’organisation sur lequel se fonde Alenvi se rapproche de celui de « l’entreprise Opale », un modèle développé par Frédéric Laloux dans son ouvrage « Reinventing Organizations ».

Ce modèle pense l’entreprise comme un écosystème dans lequel s’exerce la multiplicité des hiérarchies naturelles : « des systèmes d’autorité distribuée plus efficaces et plus fluides » que la pyramide hiérarchique.

De cette logique écosystémique découlent 3 positionnements pendant la formation :

1-   Partir des problématiques du terrain 

La formation en synchrone (en classe présentielle ou distancielle) représente 75% en moyenne du parcours de formation chez Compani. L’humain est donc central.

Lors des sessions, les formateurs se placent en « posture basse ». Ils partent « des difficultés des stagiaires, de ce qu’ils vivent au quotidien pour donner les outils les plus adaptés à leurs difficultés (…) Ce sont les stagiaires qui co-construisent la formation avec le formateur. »

Cette place importante du retour d’expérience est favorisée par le format du parcours de formation qui alterne sessions courtes et pratique sur le terrain :

« Ce type de format, avec des sessions assez courtes dispensées sur un temps long, permet de donner des outils, travailler avec les personnes, laisser infuser les choses, revenir dessus, faire des retours d’expérience. De plus, ce sont des formats qui s’insèrent plus facilement dans le quotidien opérationnel. », partage Alexis.

Le temps long permet la co-construction des formations par les stagiaires et les formateurs.

2-   Favoriser les échanges entre pairs

Alexis en est convaincu : « La formation, ce n’est pas que de la mise à jour ou de la montée en compétences. C’est aussi un temps en groupe.

Dans une logique de transformation organisationnelle, c’est très important que les stagiaires puissent passer du temps entre eux, se voir dans un autre contexte, prendre du recul, discuter, se livrer sur leurs difficultés quotidiennes. Il y a une forme de coaching d’équipe qui se met en place

3- Favoriser les échanges entre formateurs

« Ce que j’aime, c’est avoir des formateurs qui ont des parcours diversifiés »

La mutualisation des retours d’expérience et des connaissances entre les formateurs est largement encouragée par la mise en place de :

– Rencontres régulières entre l’ensemble des formateurs et Alexis : cela permet à tous les formateurs de se connaître et de partager les retours d’expérience et leurs envies,

– Un espace de conversation en ligne pour avoir des échanges en dehors des rencontres,

– Un Drive pour partager les ressources.

« C’est ce qui fait l’amélioration continue. J’aime bien le fait qu’il y ait des contenus qui soient collaboratifs, qui se co-construisent au fur et à mesure, et qui évoluent comme un système vivant. »

La complémentarité des talents et des approches fait de la formation un système vivant.

Clef n°3 : Une formation s’améliore constamment.

Les formations restent vivantes et évoluent constamment chez Compani. 

« C’est comme une peinture abstraite d’un grand peintre : les grands peintres abstraits comme Willem de Kooning ou Anselm Kiefer considéraient que leurs peintures n’étaient jamais vraiment finies », me raconte Alexis.

Ainsi la qualité prime sur la quantité : « Nous ne sommes pas sur une logique de création industrielle de nouvelles formations.»

Un modèle 25%-25%-50%

La conception de la formation de Compani peut être modélisée de la manière suivante :

–       25% est consacré à l’étude des besoins

–       25% est dédié au développement des formations

–       50% est alloué à l’accompagnement et à l’amélioration continue

La performance de ce type de modèle a été étudié par Robert Brinkerhoff et les résultats sont éloquents :

Pour en savoir plus sur cette étude, je vous invite à lire l’article de C-Campus « De l’intérêt de considérer la formation comme un processus»

Cette approche qui privilégie le suivi post-formation et l’amélioration continue favorise la maximisation du transfert de compétences au cours de la formation.

Une formation en constante évolution

Ainsi, le processus d’amélioration continue prend donc une large place. Cela se traduit par :

–       La mise en place de formations pilote permettant les retours sur les nouvelles formations de la part des auxiliaires de vie mais également des formateurs.

–       Un système d’évaluation de la formation très important, combinant plusieurs axes :

o  L’analyse des statistiques de l’application de formation et des questionnaires de satisfaction

o  Des appels informels avec les stagiaires au milieu de la formation mais également quelques mois après. L’objectif est de faire remonter « en toute sincérité » ce que les stagiaires pensent de la formation, ce qu’ils auraient envie d’ajouter ou d’enlever, s’ils ont trouvé la formation utile dans leur quotidien professionnel…

« La discussion permet de mieux sentir ce que l’on ne perçoit pas toujours dans un questionnaire de satisfaction ».

o  Des points de mi-parcours avec les formateurs pour voir ce qui a été abordé et les éventuels problèmes rencontrés.

L’objectif est double :

–       Accompagner les apprenants dans leur parcours de formation, afin qu’il soit le plus ajusté possible à leurs besoins.

–       Adapter les sessions suivantes en fonction de ces retours croisés : ajuster les « éléments de langage », ajouter des modules auto-formatifs pour renforcer l’ancrage mémoriel de certains concepts, … 

Une formation vivante est une formation en constante amélioration.

 Pour conclure, la co-construction à 360° permet d’atteindre l’excellence dans le contenu comme dans la forme.

Ce temps de co-création pourrait être perçu comme une perte de temps par certains. Alexis affirme le contraire : « c’est un temps nécessaire ». L’agilité du modèle permet selon lui de garder une bonne utilisation du temps et surtout d’éviter de faire une « formation hors-sol ».

Viser la qualité davantage que la quantité permet d’utiliser les ressources de la manière la plus juste et sobre possible. Etant donné les enjeux actuels, être vigilant concernant les ressources utilisées n’est plus une option. J’en suis persuadée et je m’y engage dans la conception des formations hybrides que je propose.

Et toi ? As-tu déjà pensé ta formation comme un écosystème vivant ? Si tu appliques des méthodes similaires ou complémentaires à celles partagées par Alexis, je t’invite à partager en commentaires.

Un grand merci à Alexis Dresco pour son temps et le partage de ses bonnes pratiques en matière de co-création de la formation !

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