Ceux qui n’ont jamais entendu parler de la “théorie du Donut” se demandent certainement de quoi je parle. Il ne tient qu’à vous d’en savoir plus en lisant ces quelques lignes…
Tout a démarré pendant la période de confinement du printemps 2020. Comme beaucoup, l’apparition de la pandémie a provoqué un certain nombre d’interrogations chez moi.
D’un côté, la surconsommation des ressources de la planète a été pointée comme étant à l’origine indirecte de cette pandémie: les scientifiques ont analysé que la déforestation croissante était à l’origine du déplacement des animaux sauvages hors des forêts, lesquels devenant ainsi des proies plus faciles pour l’être humain.
D’un autre côté, l’explosion de la formation en ligne n’a pas été sans impact sur l’augmentation de la consommation de données numériques et, par conséquent, sur la pollution digitale. Ayant moi-même suivi un certain nombre de ces formations avec beaucoup d’intérêt, je ne m’étais jamais posée la question de l’impact de ces formations sur la pollution.
Ce coût invisible pour nos yeux, mais pas pour la planète, a commencé à me tarauder au point de devenir une véritable dissonance cognitive :
Comment mettre en place des formations avec le support du numérique tout en ayant un impact minimal pour la planète ? Comment allier de manière optimale enjeux écologiques et enjeux pédagogiques ?
C’est la question à laquelle je me suis attelée durant ces derniers mois.
La pollution digitale dans le domaine de la formation : une question émergente
La question est déjà évoquée par quelques experts du e-learning.
J’ai été particulièrement intéressée par l’article de Julie Alatrach sur l’impact écologique du e-learning. Son expérience montre que la question n’est pas si simple qu’elle y paraît mais apporte des pistes intéressantes pour en limiter l’impact:
- résister aux sirènes du tout-digital/vidéo,
- informer l’apprenant sur l’impact de sa consommation numérique
- coopérer en utilisant le matériel déjà disponible, plutôt que d’en recréer.
L’article d’Annick Monnier Rikvine : Le digital learning – quel impact sur l’environnement ? apporte un éclairage sur la réduction au quotidien de l’empreinte écologique des e-learnings mis en place par son agence eSkills.
Les actions se situent tant au niveau de la production (utilisation d’un matériel reconditionné, compression des vidéos et des images), que la diffusion (e-mails sans pièces jointes) et le stockage (suppression des fichiers obsolètes après chaque projet).
Je reste convaincue que la formation est essentielle et bénéfique dans un monde qui évolue de plus en plus vite et dans lequel exercer un seul métier toute sa vie n’est plus la norme. Par ailleurs, le numérique a permis d’ouvrir la formation tout en limitant les déplacements, qui sont eux-même une source de pollution reconnue.
Sans jeter le bébé avec l’eau du bain, il y a cependant matière à réflexion pour faire mieux en terme d’impact environnemental. J’ai donc eu envie d’aller chercher plus loin.
Vers une économie circulaire de la formation
Je me suis tout d’abord inscrite à la formation sur le business à impact de My Sezame. Le bénéfice pour moi était double: en apprendre davantage sur tous les aspects de l’économie durable et tester sur moi les performances du micro-learning et de l’adaptive learning.
L’un des chapitres de la formation était consacré à l’économie circulaire: comment passer du schéma linéaire “Fabriquer > Consommer > Jeter” qui épuise les ressources et crée 25 tonnes de déchets chaque seconde en France, à un schéma d’économie circulaire.
Dans ce nouveau schéma, le principe est de penser dès le début le design du produit de manière modulaire pour qu’il puisse être désassemblé à la fin et puisse permettre de créer un nouveau produit. Les “déchets” sont réduits, revalorisés et les ressources sont préservées.
Si l’on applique ce schéma à la formation, on peut partir sur un cycle composé de 3 phases:
- Une production éco-responsable
- Une consommation durable
- Une régénération des anciennes formations
Cette conception m’a permis d’établir la base de ma réflexion. En poursuivant mes recherches, je suis tombée sur l’ouvrage de Kate Rathworth intitulé “La théorie du Donut: L’économie de demain en 7 principes”.
La théorie du Donut
(Nous y voilà 😉
Dans cet ouvrage, l’autrice Kate Rathworth, économiste et chercheuse, met en exergue que croire en une croissance infinie dans un monde fini relève de l’illusion. Elle propose une modélisation macro-économique alternative qui prend en compte à la fois les besoins humains et les limites de la planète.
Ce modèle est le suivant:
- Un plancher social qui établit les besoins primaires à couvrir pour assurer un niveau de bien-être acceptable
- Un plafond environnemental qui constitue la limite à ne pas dépasser pour maintenir un équilibre sur la planète
- Ces deux cercles concentriques délimitent un espace de développement économique durable.
L’ensemble ressemble à un Donut 😉
“Très intéressant”, me direz-vous, “mais quel est le rapport avec la formation?”. “Minute Papillon. Nous y sommes”
Le Donut de la formation
Transposé au domaine pédagogique, le modèle serait pour moi le suivant:
Voici quelques explications pour clarifier ma réflexion.
1- Au centre : les besoins de l’apprenant.
Partant du principe que l’on ne peut contrôler l’apprentissage de l’autre et que l’apprenant est l’acteur principal de son apprentissage, c’est sur l’accompagnement que l’équipe de formation peut jouer : l’écoute, le respect de l’autonomie, l’identification des blocages émotionnels. La formation devient une co-construction qui permet d’oeuvrer ensemble pour faire naître quelque chose de meilleur.
2- La limite extérieure : les limites écologiques.
La pollution digitale est l’un des principaux marqueurs à surveiller en ce domaine. L’objectif est d’arriver à un impact zéro, voire positif pour l’environnement.
Les marqueurs à prendre en compte sont de deux ordres:
- Le coût environnemental de la construction des équipements numériques (ordinateurs, tablettes, smartphones, serveurs,…), qui représentent environ 45% en énergie et en matériaux en 2020 dans l’empreinte énergétique totale du Numérique .
- L’impact des actions numériques qui influe sur la consommation électrique des terminaux (ordinateur, tablette, smartphone), des centres de données impliquées dans le transfert des données, et des autres infrastructures réseau lors du transfert des données.
3- Le donut : l’espace d’économie de la formation
Cet espace est divisé en trois phases corrélées et chaque phase est pensée en respectant:
- L’apprenant: écoute des besoins, bienveillance, accompagnement long, interconnexion
- L’environnement: eco-design, eco-production, régénération, usage d’un numérique sobre
a- Une production éco-responsable permet d’établir les bases de la circularité en diminuant des ressources lors de la phase de production et en prévoyant un usage sobre par la suite:
b- Une consommation durable: cette phase porte sur la minimisation les ressources énergétiques utilisées pour le partage de la formation tout en maximisant l’impact pédagogique par la mise en place d’un processus suivi sur la longueur:
c- La régénération du contenu: Il s’agit d’aller au bout du processus par le tri et la revalorisation du contenu créé pour la formation. Cette étape est souvent négligée mais peut faire une vraie différence.
J’espère que ce Donut n’est pas trop indigeste 😉 Par ce schéma, je résume mes recherches et mes réflexions : je suis convaincue qu’il est possible de mettre en place des formations avec un maximum d’impact pour l’apprenant tout en ayant un minimum d’impact négatif pour la planète (et pourquoi pas en ayant un impact positif).
J’ai en effet lu récemment qu’il est possible de faire une vodka qui décarbone l’environnement en partant du CO2 et de l’eau. Il s’agit bien sûr d’un tout autre domaine mais cela donne un sens du possible. J’ai bon espoir que l’on trouve l’équivalent pour la mise en place de systèmes pédagogiques. En attendant, je vais poursuivre mes recherches et continuer à vous les partager.
Je suis intéressée par vos retours. N’hésitez pas à apporter votre point de vue et vos critiques pour améliorer ce modèle et avancer dans la démarche d’une écologie de la formation.