C’est une question que je me suis posée en démarrant ma formation en ingénierie pédagogique. Les neurosciences commencent en effet à populariser leurs recherches et l’information est maintenant facilement disponible.
Facilement disponible… mais pas si facile que ça à appréhender ! Amygdale, hippocampe, neo-cortex, cortex pré-frontal… je me suis vite retrouvée noyée dans tous ces noms que je comprenais sur le moment et oubliais quelques instants après, faute d’avoir une vision d’ensemble.
La lecture de quelques ouvrages de référence* en la matière m’a permis d’y voir plus clair. Je vous propose de partager dans cet article les points essentiels que j’en ai retenu.
Bienvenue dans “la maison de l’apprentissage” !
Le corridor des sens
Je vous invite à rentrer par le “corridor des sens” (le thalamus) : c’est un long couloir par lequel arrivent tous les stimuli sensoriels que nous recevons (vue, ouïe, toucher, odorat, goût). Vous êtes au milieu de toutes ces informations et il faut décider comment les traiter. Pour cela, le “corridor des sens” amène à deux pièces : à gauche, “la cuisine des émotions” (l’amygdale) et à droite, le “Bureau des études” (le cortex pré-frontal).
Qu’allez-vous choisir de visiter en premier ?
On pourrait spontanément penser que, pour décider du traitement d’une information, nous allons d’abord nous rendre dans le “Bureau des études”, mais ce n’est pas tout à fait le cas. Les stimuli sensoriels sont certes envoyés au “Bureau des études”, mais ils sont simultanément amenés dans la “Cuisine des émotions”.
La cuisine des émotions
La “Cuisine des émotions” est au coeur de la maison. C’est à cet endroit où l’on va traiter de manière extrêmement rapide les informations et mettre en place les mécanismes de protection adéquats en cas de besoin:
- S’il y a urgence, un message d’action immédiate est envoyé au corps afin d’assurer sa sécurité.
- S’il y a une émotion jugée désagréable, la “cuisine” contacte le “bureau des études” et lui demande d’étudier la situation en priorité. Séance tenante, le “bureau” laisse tout tomber pour s’occuper de cette sollicitation prioritaire.
Par exemple, vous êtes concentré en train de lire cet article et, tout à coup, votre enfant se met à crier ! Immédiatement, le cerveau se mobilise pour comprendre la raison de ce cri et enjoindre votre corps de courir si le cri est un cri de détresse. Si la raison du cri n’est pas immédiatement identifiable mais pas alarmante, le “bureau des études” est contacté pour prendre une décision opportune. Dans tous les cas, le cerveau se mobilise pour agir de la meilleure manière par rapport à ce signal et l’émotion désagréable qui y est associée.
Le bureau des études
Heureusement, la plupart des stimuli sensoriels amènent des émotions neutres ou agréables. Dans ces cas-là, le “bureau des études” s’occupe du traitement. Toute l’attention est mise sur les différentes informations et un travail s’opère :
- est-ce une information qui doit amener à une prise de décision (exemple: je vois une place de parking libre: je la prends)
- est-ce une information à retenir ? Combien de temps est-il nécessaire de mémoriser cette donnée : quelques minutes (un numéro de téléphone à composer) ou plus longtemps (je lis cet article et certains éléments m’intéressent, je veux m’en souvenir) ?
Les experts du bureau se mettent à l’ouvrage pour prendre la meilleure décision possible.
La bibliothèque des souvenirs
En cas de mémorisation à moyen ou long terme, les experts du “Bureau” montent l’escalier et se rendent au premier étage, pour rencontrer le “bibliothécaire” (l’hippocampe) en charge de classer les informations dans la “bibliothèque des souvenirs” (le néo-cortex) . Le “bibliothécaire” établit alors une fiche d’identification de l’information (encodage), il la relie à de potentielles émotions et va la classer dans la “bibliothèque” avec les informations du même genre.
C’est d’ailleurs grâce à ses fiches que le “bibliothécaire” aide la “cuisine des émotions” à relier un stimulus sensoriel à une réaction. La “madeleine de Proust” illustre parfaitement ce fonctionnement. Pour moi, le goût du miel et l’odeur de cire d’abeilles me ramènent en enfance dans l’atelier d’extraction de mon grand-père. Le rappel sensoriel de ces moments délicieux me procure immédiatement du bien-être. Au contraire, une crise de foie après un abus de bûche au moka peut entraîner un rejet du moka par la suite 😉
Pour en revenir à la bibliothèque, si une information n’est jamais utilisée, elle prend la poussière et finit par être oubliée au fond d’une étagère. Par contre, si le “bureau des études” ou la “cuisine des émotions” demandent régulièrement à l’emprunter, l’information reste vivante, en haut de la pile et s’enrichit de nouveaux liens.
Au bout d’un moment, dans le cadre de l’apprentissage de savoir-faire, l’information peut même être intégrée dans un automatisme : ainsi, quand vous conduisez, après avoir pratiqué la conduite sur un certain nombre de kilomètres, vous n’avez plus à réfléchir à l’usage des différentes pédales: c’est devenu automatique.
En résumé
Ce schéma rassemble ma compréhension actuelle du sujet. Il sera sans doute amené à évoluer avec l’augmentation de mes connaissances et reste un schéma donc une simplification. Néanmoins, cela m’a permis de comprendre les recommandations principales faites dans les différents ouvrages sur l’apprentissage:
5 points à retenir pour améliorer la mémorisation de l’information
1- Multiplier les canaux sensoriels : Comme les informations liées aux différents sens sont stockées dans des endroits différents, multiplier les canaux sensoriels pendant l’apprentissage devrait augmenter la probabilité de se souvenir d’au moins une information sensorielle en particulier.
2- Mettre l’apprenant dans un environnement positif : le stress trop fort et les émotions désagréables empêchent l’apprentissage en mobilisant le cortex pré-frontal
3- Faire des liens avec des éléments connus : l’hippocampe encode l’information en faisant des liens avec des souvenirs existants. Faciliter ce rapprochement dans la formation permet d’accélérer l’apprentissage pour l’apprenant.
4- Utiliser la répétition sous diverses formes pour la consolidation du souvenir
5- Favoriser un feedback direct : le cerveau n’aimant pas l’erreur, cela crée une émotion désagréable de frustration au niveau de l’amygdale, qui envoie un signal au cortex pré-frontal. Si la bonne réponse est donnée immédiatement après le test, le cortex pré-frontal qui est sensibilisé peut tout de suite demander à l’hippocampe l’encodage de la réponse correcte.
La mise en pratique de ces éléments sera développée dans mes prochains articles. Si le sujet vous intéresse, vous pouvez me suivre en vous connectant à mon compte sur LinkedIn, afin de recevoir les prochaines publications.
*Sources utilisées:
- Stanislas Dehaene, “Apprendre ! Les talents du cerveau, le défi des machines”. 2018
- Nadia Medjad, Philippe Gil, Philippe Lacroix, “Neuro Learning. Les neurosciences au service de la formation”. 2019
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